Campagne MUSORSTOM 4


Informations générales



Objectifs :


L'objectif de la campagne l'étude de la faune benthique de la pente continentale de Nouvelle-Calédonie, en vue de compléter l’exploration de la campagne Biocal (1985, N. O. Jean Charcot).


Contexte scientifique :


La Nouvelle-Calédonie a été découverte par James Cook en 1774, mais jusqu’à une période très récente, les différents naturalistes qui ont écrit sur la faune marine, n’ont traité que d’organismes de la zone littorale et lagonaire, aucune récolte n’ayant été faite plus profondément. De 1960 à 1963, une expédition française en Nouvelle-Calédonie était envoyée sous l’égide de la Fondation Singer Polignac et réalisait un important travail de géomorphologie, de sédimentologie et de récoltes benthiques dans la zone accessible à la plongée sous-marine en scaphandre autonome. Au cours de cette expédition, quelques relevés bathymétriques eurent lieu sur les tombants externes des récifs barrières (Taisne, 1965).

L’ORSTOM, implanté en Nouvelle-Calédonie depuis 1950, s’est peu intéressé à la faune benthique. Cependant, quelques chercheurs ont réalisé des récoltes profondes :

  • P. Fourmanoir et J. Rivaton, (1979) pour les poissons ;
  • A. Intes, (1978) pour la faune d’invertébrés benthiques.

La faune benthique profonde, récolté au casier par A. Intes, se révéla particulièrement riche et originale. Aussi à l’investigation du Professeur Claude Lévi et de Philippe Bouchet, alors présents en Nouvelle-Calédonie, une série de dragages et de chalutages eurent lieu au sud de la Grande Terre, au large du canal de la Havannah et devant la passe de Boulari. Les récoltes furent très intéressantes et donnèrent lieu à la description de nombreux nouveaux taxa.

Depuis 1984, L’ORSTOM réalise un programme d’étude du benthos du lagon de la Nouvelle-Calédonie. Les prospections réalisées par le N.O. Vauban en 1984 et 1985 ont permis d’effectuer quelques prélèvements dans les zones où le lagon n’est pas délimité par une barrière récifale, sur des fonds de 200 à 500 m. En Juillet 1984, la mission CHALCAL 1, à bord du N.O. Coriolis, a permis l’exploration de la faune benthique aux îles Chesterfield et Bellona. De nombreuses espèces nouvelles ont été récoltées chez les Mollusques, crustacés et poissons. En août-septembre  1985, la campagne BIOCAL, à bord du N.O. Jean Charcot, a permis l’exploration des fonds entre 400 et 2 500 m de profondeur de la fosse des îles Loyauté et de la ride de Norfolk.

 

Fourmanoir, P. et J. Rivaton, 1979 – Poissons de la pente récifale externe de la Nouvelle-Calédonie et des Nouvelles-Hébrides. Cahiers de l’Indo-Pacifique, vol. 1, n°4, p. 405-443.

Intes, A., 1978 – Pêche profonde aux casiers en Nouvelle-Calédonie et îles adjacentes. Essais préliminaires. Rapports Scientifiques et Techniques n°2. ORSTOM-Nouméa.

Taisne, B., 1965 – Expédition française sur les récifs coralliens de la Nouvelle-Calédonie organisée sous l’égide de la Fondation Singer-Polignac. 1960-63. Volume premier.


Résumé :



Travaux effectués :

  • 48 dragages (drague Warèn)
  • 2 dragages (drague Charcot)
  • 1 dragage épibenthique
  • 38 traits de chalut à perche
  • 13 traits de chalut à crevettes
  • 2 récoltes en casier

En septembre - octobre 1985, le N.O. « Vauban » a réalisé une campagne océanographique d’exploration du benthos bathyal : MUSORSTOM IV. La première partie de cette campagne a eu lieu au nord de la Nouvelle-Calédonie, dans la zone du Grand Passage entre 150 et 750 m de profondeur. La deuxième partie a exploré la zone sud de la Nouvelle-Calédonie, au sud-est de l’Ile des Pins et à l’est du canal de la Havannah.

Ces deux missions ont été fructueuses ; 103 opérations ont été réalisées.

Résultats-Valorisation :


Les récoltes ont été fructueuses sauf durant la seconde partie de la mission en raison de conditions météorologiques déplorables.

Le groupe des spongiaires :

Ce groupe est bien représenté dans les récoltes profondes de la Nouvelle-Calédonie. De nombreuses espèces nouvelles ont déjà été décrites par LEVI (1982, 1983). A plusieurs reprises, dans le « canyon » du Grand Passage ou la zone Sud, de véritables fonds à éponges ont été rencontrés. Ces éponges qui présentent des formes et des couleurs variées (blanches, rouges, bleues, vertes), abritent toute une faune de Crustacés, Mollusques et Echinodermes.

Lévi C. et P. Lévi, 1982 – Spongiaires Hexactinellides du Pacifique sud-ouest (Nouvelle-Calédonie). Bulletin du Muséum Nationale d’Histoire Naturelle, (4)4(A, 3-4) : 287-317.

Lévi C. et P. Lévi, 1983 – Eponges Tetactinellides et Lithistides bathyales de Nouvelle-Calédonie. Bulletin du Muséum Nationale d’Histoire Naturelle, (4)5(A,1) : 101-168.

Le groupe des cnidaires :

Dans les récoltes profondes, ce groupe est représenté par : Gorgones, coraux libres, Stylastérides, Hydraires, Actiniaires, Pennatulaires et Alcyonnaires. Les plus abondants sur fonds durs sont les Stylastérides qui semblent tapisser certaines zones.  Ces Stylasters, sont des indicateurs de fonds durs et de courant. On les trouve dans les canyons et sur les pentes dans la zone sous-récifale.

Les gorgones se limitent également à la pente et sont plus abondantes entre 150m et 300m. Deux espèces d’actinies sont fréquentes : une grosse espèce blanc rosé et une petite espèce fixée sur les coquilles des gastéropodes.

Le groupe des Crustacés :

Les Crustacés sont bien représentés dans la faune bathyale néo-calédonienne par les Cirripèdes et Décapodes ; c’est l’un des groupes principaux, présent à toutes les stations.

Dans la partie nord de la Nouvelle-Calédonie, les fonds à pierres ponces fournissent des supports pour une espèce de grande taille de Cirripède pédonculé.

Dans la partie sud, cette même espèce a été retrouvée dans les fonds à éponges et sur toute sorte de supports.

Parmi les Décapodes, les crevettes et les Anomoures (Paguridae et galatheidae) sont les plus abondants. Quelques macroures des genres Puerulus et Ibacus ont été ramenés.

Parmi les crevettes, les genres les plus courant sont : Heterocarpus, Plesionika, Hymenopenaeus, Mesopenaeus et Sicyonia.

Les principales familles de Décapodes brachyoures sont : 

  • Majidae avec les genres Cyrtomaia, Platymaia, Pleistacantha, Sphenocarcinus, Hyastenus…
  • Leucosidae : Raodallia ;
  • Homolidae : Homola, Latreilla, Latreillopsis ;
  • Portunidae : Ovalipes.

S’y ajoutent quelques espèces occasionnelles dans les familles suivantes : Dorippidae, Goneplacidae, Placidae, Calappidae et Xanthidae.

Le groupe des Mollusques :

Toutes les stations de dragages ont ramené des mollusques dont certaines espèces très rares.

De nombreux exemplaires du Pleurotomaire, Perotrochus coledonicus (Bouchet et Metivier, 1982) ont été retrouvés dans la partie sud de la Nouvelle Calédonie ainsi que la plupart des grosses espèces décrites des récoltes du N. O. « Vauban » de 1979.

Les découvertes les plus spectaculaires furent celles de porcelaines de profondeur (Cypraeidae) connues à très peu d’exemplaires et de grande valeur pour les collectionneurs (st 184 : Cypraea sakurai ; st 187 : Cypraea teramachii ; st 227 : Cypraea langfordi).

Parmi les plus petites espèces intéressantes, ont été récolté des spécimens de la famille des Eulimidae (mollusques parasites d’échinodermes) et du groupe des marginelles.

Bouchet P. et B. Métivier, 1982 – Living Pleurotomariidae from the South Pacific. New Zealand Journal of Zoology, 9 : 309-318.

Bouchet P. et B. Métivier, 1982 – The genus Bolma in the bathyal zone of New Caledonia, with description of a new species. Jap. Jour. Malac., 42 : 8 – 12.  

Les Echinodermes :

Récoltes très abondantes avec surtout des ophiurides et des échinides, des Astérides et des Crinoïdes pédonculés.

Les Poissons :

Peu de poissons ont été pêchés cependant la diversité spécifique est assez grande et plusieurs familles sont intéressantes.

Première capture dans cette région du Pacifique d’une raie : Raja (dipturus) sp.

Les fonds à dents de requins fossiles

Au nord comme au sud de la Grande Terre, ont été rencontrés des fonds présentant des grandes quantités de dents de requins fossiles (dents de Mako (Isurus sp.), de Tigres (Galeocerdo cuvieri), de requins blancs (Carcharodon carcharias) et également de dents pharyngiennes de tétraodontiformes). Le plus étonnant a été de trouver d’énormes dents de l’espèce fossile Carcharodon megalodon. Cette espèce, appartenant à la famille des Lamnidae semble avoir disparu au Miocène. D’après certaines reconstitutions, il s’agissait d’un requin de 20 mètres de longueur.

Il est étonnant de retrouver au nord et au sud de la Grande Terre ces accumulations de dents entre 150m et 300m malgré les mouvements tectoniques qu’a subis la Nouvelle-Calédonie.